samedi 14 avril 2012

Audiberti

L' Association des Amis de Jacques Audiberti

a élu son nouveau Président

Bernard Fournier
de l'Académie Mallarmé


Chers amis,

Marie-Louise et Géraldine m’ont fait ce grand honneur de m’inviter à accepter cette présidence à laquelle je ne pensais pas avoir doit. Je leur ai dit mes réticences.

En effet, je ne suis pas un spécialiste d’Audiberti et mon engagement pour son œuvre n’a pas encore trouvé d’importantes réalisations.

D’autres sont plus aguerris que moi aux exercices universitaires. D’autres connaissent bien plus l’œuvre, d’autres sont plus âgés ; d’autres y ont davantage droit.

Néanmoins, je comprends que dans les circonstances présentes on ait besoin de quelqu’un et c’est pourquoi j’ai finalement accepté de ne pas me dérober.

Il m’importe donc à ce titre de saluer les ombres.

D’abord de Pierre Ponty à qui j’ai succédé au poste de Trésorier

Celle de Josiane Fournier qu m’a initié à cette œuvre immense et foisonnante.

Enfin celle de Claude Lehmann

dont je voudrais saluer la fidélité, l’amitié, générosité et le savoir;

Je me souviens de nos déambulation dans Paris à la découverte des lieux audibertiens qu’il nous a fait connaître

Je me souviens de ses lettres riches de réflexions philosophiques et littéraires profondes

Je me souviens de son sourire et de sa volonté de vivre.

J’ajouterai au titre des successions,celle d’Audiberti lui même ;

Ma récente élection à l’Académie Mallarmé me le rend plus vivant, et l’histoire de l’Académie Mallarmé que je prépare est un des approches concrètes.

Je n’ai pour moi finalement que le bénéfice d l’age. Donnez moi celui de l’activité.

Je vous remercie du fond du cœur.

Mercredi du poète


Deuxième trimestre 2012

LE MERCREDI DU POETE AU FRANCOIS COPPEE

mercredi 25 avril 2012

Invité Charles Dobzynski
"L'identité en question"
par Bernard Fournier

*

Mercredi 23 mi 2012

Invité Jean-Baptiste Para
'Porter le silence"

par Mathieu Gosztola

*

Mercredi 27 juin

Invité Réginald Gaillard

et la revue Nunc


fournier.olive@orange.fr


lundi 9 avril 2012

L'Association des amis de Jacques Audiberti
est heureuse de vous annoncer l'élection de son

nouveau Président

Bernard Fournier

Membre de l'Académie Mallarmé
du bureau de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan
des comités de rédaction des revues Poésie/ Première et Poésie sur Seine
Marches III

a paru aux éditions Aspect, Nancy, avec le Concours du Conseil Régional de Lorraine.
(14 € 71 rue Etienne Olry, 54170 Allain)

Le monde est long à construire
Les pierres sont légères et friables
Les heures tombent comme des feuilles

Pour cela il faut croire au printemps:
Répondre à chaque feuille tombée.

L'univers réclame une voix.

vendredi 17 juin 2011

Vient de paraître

Vient de paraître, un nouveau recueil de poèmes:

Maison des ombres,

préface de Marie-Louise Audiberti, dessins de Jacques Destoop

Collection Action tonique, poésie, L'Harmattan

extrait:

La maison seule, solide.

Silence.

Les membres tremblent
Les larmes montent
Les meubles mentent.



mercredi 13 octobre 2010

Le Pont Mirabeau

Nicole Barrière, Nicole Durand et Jean-François Blavin
vous invitent aux séquences poétiques
du Pont Mirabeau

le vendredi
25 mars

Bernard Fournier

69 rue Viollet 75015
métro Commerce

de 18 h à 20 h

Entrée libre.

Avec le soutien du Pen Club et de la Nouvelle Pléïade.
PROGRAMME DE LA SAISON 2010-2011

samedi 26 juin 2010

Réception du 09 juin 2010


à l'Académie Mallarmé

Monsieur le Président, chers poètes, chers amis,

Mon étonnement est toujours aussi vif depuis que j'ai appris la nouvelle de mon élection dans cette noble assemblée.

Une académie, ce n'est pas rien, mais une académie de poètes, quelle plus belle récompense peut demander celui qui fait des vers?

Jean Cocteau disait que l'Académie Mallarmé était "une académie, certes, mais de rêve". Nous sommes en effet ici dans un pays onirique; moi-même je ne suis pas sûr de ne pas rêver.

Guillevic me demandait quelque jour, à quatre vingt ans passés, et avec toutes les consécrations reçues, s'il était vraiment poète. Malgré la malice que je pouvais lire dans ses yeux, il me semble qu'il était sincère. La qualité de poète ne peut être donnée que par les autres poètes. C'est pourquoi je suis d'autant plus honoré et ému de votre choix.

Et pour moi, cette académie a de fortes résonances. En effet, je crois bien que plus que Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud, le poète de l'Après-midi d'un faune a été mon modèle. Chez lui m'attiraient sa vocation entière et puissante à la poésie en même temps que son souhait de vivre d'un métier; et quand ce métier fut d'être professeur d'anglais, métier que j'exerçais un temps, vous comprendrez pourquoi j'ai une estime particulière pour cet homme et ce poète. Ces vers sont souvent difficiles, et ils me plaisent précisément par là: tant qu'à faire de la poésie, l'art le plus consommé de la littérature, autant le faire de la façon la plus absolue qui soit. Et j'ai longtemps rêvé aux mardis de la rue de Rome.

Et c'est dans une rue similaire qu'un jour me vint une révélation. Tandis que je voulais faire relier quelques volumes précieux de Guillevic, l'ouvrier m'informe qu'il tient là une caisse de livres envoyées par Guillevic, précisément. Étonnement, questionnement. Il s'agissait de la fondation de la bibliothèque de la maisons de Valvins. J'appris ensuite que Guillevic était Président de cette Académie.

De même qu'on retient ensemble les pages d'un livre grâce à la reliure, je reliais, moi aussi dans mon espace mental deux poètes qui pourtant apparemment n'étaient pas faits pour se rencontrer. Mais c'était sans compte la force de la poésie qui accepte en son sein toutes les inspirations, et sans compter aussi les poètes qui lisent la poésie.

Les quelques recherches que j'ai entreprises depuis m'ont confirmé dans les idées qui pouvaient réunir les deux maîtres: la précision poétique, l'attention sociale et le dévouement pour les autres poètes, tant à leur vie matérielle qu'à leur œuvre.

Je voudrais saluer un autre poète qui a fait la renommée de cette institution, premier prix Mallarmé en 1938. Il s'agit d'Audiberti, conforme à cette définition "poète des questions/ originelles défiant/ l'arche des voix" du Président Lionel Ray, dans Partout ici même, Gallimard, en 1978, p. 161. Mon épouse a travaillé vingt ans sur l'œuvre d'Audiberti, je crois qu'elle serait particulièrement fière de me voir lui emboîter le pas, en quelque sorte. Et c'est pour moi une occasion de lui rendre hommage.

Aujourd'hui cette Académie vit encore et elle m'accueille en son sein; je ne peux que balbutier de pauvres remerciements envers son Président, Lionel Ray et envers toute l'assemblée.

Emission de radio, « l’Invité du mois », avec Eric Cassar, sur la radio associative,

Radio Valois Multien, à Crépy en Valois,

enregistrée le 25 juin 2010 et

diffusée en juillet 2010 ( le 1 à 11h, le 16 à 17 h, le 25 à 16 h; le 31 à 13 h),


à télécharger sur le site de la radio : RVMFM.

Bernard Fournier a répondu aux questions d'Eric Sivry.

mercredi 26 mai 2010

Présentation

Jean-Luc Despax

Des raisons de chanter

Au François-Coppée le mercredi 26 mai 2010

Jean-Luc Despax est un jeune poète, et c’est peut-être la première raison qui m’a poussé à lui demander de bien vouloir nous honorer de sa visite. Mais la seconde raison n’est pas moins importante, voire impérieuse par les temps qui courent, c’est sa vitalité sociale et politique. Jean-Luc Despax est un poète politique. Face aux innombrables poètes, dont je suis, qui n’osent pas s’engager et engager leur poésie dans l’arène des combats sociaux, Jean-Luc Despax ouvre une fenêtre, fermée depuis les errements des sirènes du Parti Communiste Français. On sait, précisément à cause de cette histoire, que cette piste est difficile. Il faut trouver une voie originale ; celle de notre poète est celle de l’humour, de l’ironie, du jeu avec les mots et les références. Il n’en reste pas moins, que le poète demeure un poète et qu’il met en avant d’abord ses sentiments, sans tomber dans le romantisme attardé que nous connaissons tous trop bien, qui nous hante et nous effraye.

Jean-Luc Despax est un poète engagé qui ne cesse de dénoncer les erreurs et les errements de la société.

Sa critique vise essentiellement la politique : « Le poète dit/ Le romancier décrit/ Le philosophe pense/ Le capitalisme prend/ Tue/ A petit feu/ Facturé/ Il exige à tout bout de champ des excuses/ De ceux qu’il na pu éventrer »[1]. Au-delà de la critique vis-à-vis des écrivains, la diatribe contre la forme de gouvernement se fait violente jusqu’au meurtre.

Cette critique vise essentiellement sinon le régime, du moins les personnes qui le font : « cacher les délits des groupes élitaires »[2].

D’une façon générale, le poète s’interroge sur la politique, sur les fondements des idéaux, notamment communistes et libéraux Ainsi il imagine une sortie automobile où Raymond Aron conduirait une voiture dans laquelle figurerait Vaclav Havel : c’est dire si le poète s’inquiète du libéralisme autant que des excès du communisme. : « Dans le coffre, bien malgré nous, il y avait des sacs d’ossements »[3].Toute politique produirait-elle des meurtres, des laissés pour compte ? et qui est ce "nous" qui apparaît auprès des libres penseurs ?

Dans son essai biographique sur Ossip Mandelstam[4], le discours est tout à fait clair sur les forces soviétiques et notamment staliniennes qui font mourir le poète dans un camp de déportation. "Si Staline a le "regard puissant" et "l'ouïe perçante", c'est pour mieux t'espionner, mon enfant de la patrie"[5]. Le poète a eu du mal à s'adapter à la nouvelle politique qui voulait, comme le fera le jdanovisme, recruter parmi les écrivains des thuriféraires du régime, mieux qui voulait que tout oeuvre d'art soit politiquement correcte comme on dit aujourd'hui, afin de mieux chanter la gloire du régime. Sinon, c'est l'ignorance et l'écrivain peut bien aller pourrir n'importe où, voire dans un goulag, comme Mandelstam. Le poète russe n’est pas vraiment hostile à la révolution, mais s’inquiète de sa violence meurtrière. Jean-Luc Despax met bien en valeur cette répression qu'amène la dictature, fût-elle du prolétariat. Il s'agit de prendre ses distances avec l'idéologie, même si c'est une idéologie sociale car on sait qu'à terme, une idéologie finit toujours par se transformer en machine à répression, à réprimer la poésie.

À mi-chemin entre la visée politique et la visé sociale, l’éducation est l’objet des critiques du poète.

Ainsi, le poète entend-il dénoncer les partis pris éducatifs depuis un certain nombre d’années :

Alamos du monde entier

Apprenez-leur à compter

Pour qu’ils ne puissent imaginer l’argent public détourné

Apprenez-leur à lire

Pour qu’ils ne sachent déchiffrer vos mémorandums top-secrets

Apprenez-leur les lois

Pendant quelles sont quotidiennement violées

Ou bien qu’elles violent la légitimité

Se parfont au Sénat une virginité

Apprenez-leur l’Histoire (mais en flashes révisionnistes)

Hyper-libéraux)

Tandis que les erreurs grossières des bourreaux d’antan

Ne sont plus commises[6]

Lire, écrire et compter : ces trois mamelles de l’éducation de base depuis des siècles est mise au service d’une politique qui ne dit pas son nom mais qui vise à ne pas former des citoyens dignes de ce nom, mais des êtres consommateurs qui ne posent pas de questions. Jean-Luc Despax affiche clairement son point de vue en fustigeant les "flashes révisionnistes hyper-libéraux" dans les manuels d'histoire. Si ceux-ci avaient peut-être à une époque fait la part trop belle au socialisme, aujourd'hui, il faut craindre une lecture trop libérale de l'histoire. Cette critique met en lumière l'éducation et les manuels qui leur sert de base. Certes, on peut penser que le professeur sait dépasser le manuel et faire son cours à partir de, et non totalement sur, mais on sait aussi, la force de la fatigue, la facilité et parfois le peu d'opinion des professeurs qui, comme les écrivains du temps de Mandelstam, cherchent davantage une place confortable plutôt qu'a assumer leurs idées, leurs idéaux. Que ce soit dans la poésie ou dans la biographie, Jean-Luc Despax poursuit le même but: réveiller les consciences, exprimer ses opinions.

La critique féroce on peut aussi la lire dans le livre Prof is beautiful ; c’est un « roman, roman à thèse que personne n’aura envie de lire » p. 332 peut-être davantage un essai à peine converti en fiction, qui dégage tout son fiel contre une administration qui a depuis bien longtemps perdu beaucoup de ses repères. Lisons un paragraphe seulement pour s’en rendre compte.

Lexique de la tyrannie, dans un collège public d'un pays démocratique:

L'apprenant construit son savoir au coude à coude avec l'appreneur. Il apprend à apprendre, puis échange ses savoirs dans la plus parfaite confiance, puisqu'il y a prise en compte de tous ses talents. Il faut faciliter la compréhension de l'espace de vie, développer l'autonomie des élèves, leur faire écrire une lettre au Député pour demander à être reçu par lui, développer le savoir paraître car on doit toujours se présenter dans la vie courante. Les apprenants(visuels, auditifs, ou borgnes au pays des aveugles par nécessité) apprennent à apprendre même s'ils sont occupés, au sein du ou des groupes-classes, à construire leur savoir. Les enseignants appreneurs, en interaction complète avec leur collaborateur, n'ignorent rien du travail en équipe et de la transdisciplinarité, mais soucieux des idiosyncrasies, peuvent s'occuper, quand ils ne font pas leur autocritique dans les stages de formation fortement conseillés par des mandarins de seconde zone, du savoir à enseigner qui, didactisé, une seconde fois devient le savoir enseigné, lequel, didactisé une dernière fois - par le travail de l'apprenant- devient un savoir assimilé. Savoir, ou plutôt savoirs, que les appreneurs doivent enseigner aux apprenants mais peuvent recevoir des apprenants eux-mêmes qui ont tout intérêt à échanger des savoirs. L'organisation apprenant doit pratiquer avec aisance la triade savoir/ savoir-faire/ savoir-être, mais également le savoir mobiliser, le savoir combiner, le savoir transférer, sans négliger savoir que et savoir comment. [7]

Il ne s'agit pas ici, on l'aura deviné d'un extrait des textes officiels, mais il faut bien avouer qu'on n’en est pas loin. Jean-Luc Despax singe parfaitement le discours administratif fait de néologisme qui veulent faire savant pur une pédagogie qui tend à faire de l'élève un individu qui déjà saurait tout. Ce sont ces types de textes, parfois pris au pied de la lettre par ces "mandarins de seconde zone", que l'auteur fustige au passage, c'est-à-dire les chefs établissements ou des inspecteurs pédagogiques régionaux, qui ont permis la décadence de l'enseignement aujourd'hui, qui se base sur une idéalisation de l'enfant. On voit poindre ici l'idéologie de l'enfant-roi face à un corps enseignant qui ne saurait plus rien, parce que trop replié sur lui et sa discipline. On sait les ravages d'une telle pédagogie: tous les pouvoirs ont été retirés aux professeurs, qui n'ont plus d'autorité face à des enfants qui ne connaissent rien de la vie en société. « alors oui, je vous appelle à la Résistance, et je le fais à visage découvert : prof is beautiful »[8], nous interpelle le poète.

La critique sociale passe par le critique de genre, c’est-à-dire la question de la place des sexes dans la société qu’illustre un poème « La défaite historique de la femme », qu’il situe dès l’origine de la civilisation : « L’invention de la charrue mit fin à l’égalité »[9]. Un rapide historique situe également Olympe de Gouges et Marceline Desbords-Valmore, pour laisser la place à l’actualité ambiguë : « Ils parlent de voter Ségolène/ Et pour Marie-Georges, la haine »[10]. La rime, ou plutôt l'assonance, indique la force de réprobation devant non pas la femme mais le communisme, ici particulièrement le Parti Communiste Français. C’est faire rapidement le procès de la femme un procès politique. La femme n’est pas un sujet en soi, dès l’instant qu’elle est un citoyen comme les autres. Seules comptent les opinions politiques. Que le poète dénonce justement. On remarquera que n’apparaît dans ce poème aucune femme de droite, telle Simone Weil par exemple. C’est-à-dire que Jean-Luc Despax prend bien la femme pour ses opinions politiques et non un sexe à part.

Ainsi, au-delà de la femme, le poète s’adresse-t-il à la condition humaine, notamment au racisme : « Si le vers est trop blanc, il y a des raisons/ Que les WASP s’abolissent aux doux sons des violons »[11]. Il ne faut pas moins que des alexandrins et des rimes pour dénoncer le racisme des noirs. Le mot WASP est un acronyme qui signifie "white anglo-saxon protestant" et que ce mot a pour signification « wasp » » une guêpe en anglais. C'est pourquoi on peut entendre dans la suite: "I must dance like a butterfly, sting like a bee/. Serine Cassius Clay à Moahmmed Ali". "Sting like a bee", c'est-à-dire, "piquer comme une abeille »: on renverse les valeurs, la violence est dénoncée de deux côtés des couleurs. Les noirs sont aussi coupables que les blancs des violences contre l'homme. On notera aussi, dans le même sens, la division du citoyen noir poussé dans le communautarisme parce que les protestants blancs ont été coupables d'avoir emprunté à la religion des arguments justifiant le racisme. La langue anglaise vient parachever cette violence dans un recueil de poèmes français.

Un poète ne serait pas vraiment humain, s’il ne s’intéressait pas non plus à la vie de couple : « En cas de dépressurisation de la vie de couple/ Tirez d’un coup sec sur les poignées d’amour »[12]. La métaphore aéronautique renvoie bien sûr à une interprétation un peu salace, mais au-delà, c’est par le biais de l’humour, bien sûr, pour prendre quelque distance avec des situations sans doute douloureuses que notre auteur dit sa crainte des couples qui ne s'entendent plus. Avec l’âge, le corps s’arrondit avec les sentiments.

Il n’est pas tendre non plus avec la gent littéraire et plus particulièrement celle des poètes : « Les poètes ne s’inquiètent pas du prix du gazole […] On a remis le prix à un auteur fictif/ Qui préférait penser avec un préservatif »[13]. Le jeu entre le mot à connotation sexuelle qui connote une retenue, implique une réserve quant à la poésie ; Jean-Luc Despax reproche à la poésie la mièvrerie, le retrait le non-engagement. La langue de bois est insupportable, et encore moins acceptable en poésie où elle devrait être le symbole de la liberté. La poésie ne doit plus être confinée dans des salons (et on peut penser qu'ici nous ne sommes pas dans ce type de salon) où la réalité serait chassée mais dire aussi les choses de la vie comme le prix de l'essence ou du ticket de métro. Car le poète, que nous sommes tous depuis Rimbaud, est un prolétaire qui doit aussi rendre compte de sa situation matérielle. Il ne s'agit pas de retomber dans l'idéologie stalinienne, mais de ne pas occulter non plus les préoccupations sociales des citoyens auquel le poète veut s'adresser.

« Pour une pizza chorizo, adieu poèmes »[14]. Les poètes seraient tellement emportés par la société de consommation qu’ils laisseraient le poème pour une quelconque mode alimentaire. Despax fustige toujours le comportement romantique de la poésie contemporaine, mais en sens inverse: le poète ne meurt plus de faim. Rassasié, il en oublie d'écrire.

La critique du poète sert autant la poésie, que la littérature de façon générale, donc l'homme dans sa totalité de vie quotidienne, sociale et politique. Cette diatribe est d'autant plus lisible et audible qu'elle se fait dans un langage qui se veut abordable mais avec une grande richesse de tons et de procédés, que nous allons voir maintenant.

Les moyens que Jean-Luc Despax met en œuvre pour servir sa critique sont multiples, et comme ce qui nous intéresse c'est aussi la poétique mise en œuvre, nous allons les voir d'un peu plus près. Nous verrons que la technique est grande, voire même brillante, même si parfois elle se met au service d'une culture qui peut nous échapper.

La principale technique qu'emploie le poète est le jeu de mots. Et à bien des égards, il fait mouche à tous les coups. Jeu sur les sons, sur les sens, sur les références.

Je vous laisse savourer dans une petite liste que je vais vous lire autant la saveur du jeu de mots que sa portée politique, au sens large du terme.

« Les avions détournés mais le regard surtout »[15]

« Qui n’a jamais rêvé d’écorcher les gens bien dans leur peau »[16]

« Nous n’entrerons pas dans la bataille en gaspillant des cartouches d’imprimante »[17]

« La guerre des étoiles a été remplacée par les plaintes des stars »[18]

« Le bouclier du futur n’a pas protégé des erreurs du passé »[19]

« Parfois les sous-traitants maltraitent »[20]

« quolibets et les collabos »[21] 51

"Les borgnes qui sont rois jettent le mauvais œil" [22]

"Commencer la journée dans un bateau à aubes"[23]

"Repartir à la recherche du temps à perdre"[24]

"Travailler du chapeau pour ne pas le perdre"[25]

Ce petit florilège d'une dizaine de cas montre à l'envi que Jean-Luc Despax aime les mots et qu'il s'en sert avec une réelle maestria. Parfois il peut me venir ce type d'amusement, mais je n'ai jamais osé franchir le pas, craignant d'être trop commun. Mais il n'y a pas à craindre ce risque ici, car le jeu de mots rentre toujours au service de la critique sociale ou politique. Il est toujours dynamique. En outre, il est toujours bien amené dans son contexte ce qui explique qu'il fasse mouche à chaque fois.

Le sens est toujours là, même si parfois c'est la sonorité qui prévaut au jeu :

Reste les mots

De la Nakba, ils avaient détruit les photos

Commando de Munich on a pris des clichés

Sabra et Chatila. Sharon a laissé faire

Phalangistes chrétiens du Liban, des charognes

(Charogne aussi reste Papon Charonne)

Les bulldozers, ma foi, ne creusent pas le temps

N’ensevelissent pas les culpabilité

Oui, toujours craindre le retour du refoulé

Les avions détournés mais le regard surtout [26]

Ainsi, entre "détourné et "regard" (dans ce poème, on voit aussi l'alliance entre "Sharon", "Charogne" et "Charonne" (et si l'on choisit une autre sonorité, on peut associer Sharon à Papon), pour évoquer les massacres de Sabra et Chatila). Dans tous les cas le poète met ensemble les deux dirigeants d'Israël, d'une part et de la France des années fascistes, d'autre part. L'un comme l'autre subit ainsi la vindicte du poète du fait de leur rapprochement. C'est alors que le poète annonce: "Oui, toujours craindre le retour du refoulé/ Les avions détournés mais le regard surtout". Le poète signifie ainsi que le passé ne passe jamais et que les regards restent la mauvaise conscience des politiques.

Le poète a du reste bien conscience que le jeu de mots est une arme contre l'idéologie ambiante: « Repéré par la police des jeux de mots/ sa rage sur le bas-côté du narratif/ Présenter les papiers. / Renoncer ? Continuer. »[27] Jean-Luc Despax invente une "police du jeu de mots". Il faut bien avouer qu'il est presque en deçà de la réalité quand on a vu ces derniers temps le plus haut représentant de l'État vouloir emprisonner des manifestants s'amusant avec une de ses propres phrases, et, partant, le singer. Mais c'est que précisément, on sait que le jeu de mots dispose d'une capacité critique formidable parce qu'il dit tout de côté, par le biais, de sorte qu'il est inattaquable. C'est la protection des poètes contre la police.

Cependant je voudrais poser le problème du jeu de mots, qui me semble assez complexe. Certes, en apparence, un jeu de mots fait rire spontanément et on n’a pas besoin de réfléchir. Il est clair. Même si parfois il nécessite une relecture. Prenons ainsi l'exemple des "étoiles": peut-être faut-il un certain temps pour voir la collusion entre ce mot, et celui d'origine étrangère "stars" pour se rendre compte de l'écran de fumée que nous met devant les yeux les dirigeants internationaux, en plaçant des revues où s'affichent des photos de personnalités célèbres ou non à la place d'informations sur la guerre qui s'apprête dans le ciel.

Un jeu de mots sous-entend des références culturelles. Et celles-ci posent le double problème de leur actualité présente et de leur permanence dans le temps. Un jeu de mots pour être compris doit être fabriqué sur le même référent culturel que le destinataire, ce qui n’est pas toujours le cas, et il doit demeurer dans son intégrité dans le temps pour être compris dans son plein sens dans un livre, par exemple, destiné à durer. Si nous prenons le cas du Testament de François Villon, par exemple, il est évident que plus de la moitié de sa critique ne nous parvient plus, tellement elle est ancrée dans son époque dont nous ne connaissons plus les acteurs politiques ou religieux. Il y a là un écueil sérieux à tout amateur de jeu de mots.

Ainsi, dans un poème politique, existe-t-il un type de références qui risque de ne pas passer le temps : ce sont celles qui renvoient directement à l’actualité. Un second type fait référence à une culture dont le poète s’imagine qu’elle est partagée par tout le monde ; au risque de ne pas être lu, de ne pas être compris et de se faire taxer d’hermétisme. Alors le risque serait grand de n'être pas compris quand l’on veut avoir une influence politique et sociale.

Les références littéraires, cependant ne nous échappent pas tout à fait. On sera sensible aux échos que donne le poète des œuvres qu’il a lues et aimées. À savoir, par exemple, le cortège à la Prévert : « Cortège présidentiel », p. 112 :

Les poèmes d'Henri Gaino avec les discours politiques de Prévert

Le féminisme de Jean-Louis Bianco avec les petites fiches d'Olympe de Gouges

Les bottes en cuir de Nicolas avec les costumes croisés de Ségolène

Le PS de Sarkozy avec l'UMP de Royal

L'UMPS de leurs chauffeurs avec le GPS de Barroso

Le capitalisme de l'une avec le capitalisme de l'autre

L'ordre tranquille avec la rupture juste

De deux néolibéraux cassants

Qui s'accommodent si bien de Le Pen,

Qui qu'ils en disent,

Et méprisent le peuple en pensant l'abuser.[28]

On aura reconnu la base du fameux "Cortège" de Prévert dans Paroles, dans lequel celui-ci fait l'alliance de réalités souvent opposées ou suffisamment différentes pour que la collusion entre les deux fassent rire. Ici Jean-Luc Despax retient cette leçon en la poussant un peu plus loin. Il réunit ce qui est opposé, mais, chemin faisant, il tend à confondre les deux réalités qu'il a exposées. Ségolène devient quasiment de droite et Sarkozy de gauche, tant il est vrai que chacun cherchant à gagner les élections est obligé de franchir quelques lignes pour récupérer les électorats du centre ou des extrêmes qui lui fait défaut. On retiendra aussi le jeu de sigles entre UMPS qui joint ensemble les deux partis et le GPS, instrument de navigation. Collusion entre la politique et la technique qui en dit long sur le manque de repères des deux candidats à la présidentielle de 2007, pour les rassembler dans une même critique.

On entendra même une ballade, la « Ballade de Dominique», qui s'allonge sur près de vingt pages. La Ballade est une forme poétique bien connue, et Jean-Luc Despax lui donne un renouveau en la pliant à l'actualité politique. Je vous en lis un simple aperçu pour vous donner l'eau à la bouche: "Dominique/ de Villepinte/ Va brûler/ Les préjugés"[29]. Là encore nous entendrons des références à l'actualité et des rapprochements qui forcent la critique vers les dirigeants politiques de la France de ces dernières années notamment par rapport à ce qu'on appelle couramment la banlieue. Ce long poème de plus de dix pages fait exploser les carcans poétiques. On n'avait plus l'habitude de la longueur depuis la grande mode des haïkus. Et il faut bien dire que cette avalanche de mots, de bons mots et de critique politique fait mouche et qu'on aime à entendre ce puissant chant lyrique.

Dans le même esprit du Moyen-Age, dont semble-t-il, notre poète veut nous montrer son influence encore de nos jours, on trouve ces vers, tirés de son premier recueil: "Que vous soyez on non princes de la syntaxe,/ Parlez après le bip, c'était Jean-Luc Despax"[30]. On voit là comment clore un recueil à la façon d'un envoi de ballade avec le mot "prince", ici légèrement décalé par rapport à la norme médiévale; Il est amusant d'y adjoindre de la modernité avec le "bip", d'entendre l'auteur se moquer un peu de lui-même en faisant rimer son nom avec un art de la langue. Enfin, bien sûr, avec la référence à la modernité du répondeur téléphonique. C'est ainsi ouvrir la place au lecteur, lui donner la parole en quelque sorte.

Les moyens techniques mis en œuvre par le poète sont nombreux et riches: ils dénotent une grande familiarité avec l'histoire de la langue et de la littérature, ce qui est la base de tout professeur; accordons au poète Jean-Luc Despax de s'en servir de façon tout à fait savamment et couramment.

Mais, précisément, il ne faut pas oublier que Jean-Luc Despax est poète et que son recueil s’intitule Des raisons de chanter ; alors chante-t-il ? Jusque-là nous serions tentés de dire que non. Un poème politique ne chante pas puisqu'il dénonce. Mais nous voilà en pleine problématique : le poème politique doit-il ou peut-il chanter ?

En tous cas, Jean-Luc a, lui, des raisons de chanter. Quelles sont-elles ?

« Tout chant serait pompier »[31], fait-il dire aux contempteurs de la poésie, en liminaire de son recueil. C’est ouvrir au seuil du livre le débat : la poésie demande-t-elle obligatoirement les larmes et la forte exposition pour ne pas dire la monstration des sentiments ? et quel serait cet effet « pompier » ? Des effets trop gros, des larmes trop faciles, de la commisération voire de la complaisance. Le pompiérisme se réfère à une école de peinture de la fin du dix-neuvième siècle qui tentait d'oublier les approches modernes de l'impressionnisme. Elle revenait au symbolisme et affichait des symboles très forts, ce qui avait pour conséquence que l'on ne voyait plus que cela. Il est parfois de bon ton, en ces temps modernes dans lesquels nous vivons, de retrouver de la modernité à cette école et de s'extasier devant telle ou telle toile vantant la nation et son peuple derrière Jeanne d'Arc ou autre Liberté guidant ou non le peuple. On pourrait alors lire cette résurgence comme un symbole de la nouvelle société policée que l'on veut mettre en place. Cette alliance de la politique et de l'art produit des œuvres trop orientée pour être valables durablement. Du reste, cette peinture académique était une peinture officielle, d'État; elle imposait donc sa marque au public. La poésie aurait aussi son style pompier. Je vous laisse juge de cette affirmation mais on peut penser aux poèmes de Déroulède ou parfois même ceux de François Coppée (et ses fameux "Dizains" contre lesquels Rimbaud vitupérait) et peut-être, plus près de nous, ceux d'Aragon du temps où le jdanovisme demandait à la production artistique de relayer les décisions politiques et idéologiques.

Jean-Luc Despax nous donne quelques exemples de cet art pompier: « Le beau nous le chassons voici nos cicatrices »[32]. Il n’y aurait plus d’art pour l’art et seules compteraient les blessures que l’on montrerait pour se faire plaindre. Combien en effet sont pénibles ces poèmes dans lesquels le poète affiche ses douleurs plutôt qu'il ne les assume, plutôt qu'il ne les met à distance pour mieux en faire du beau. D'un autre côté, la notion de beauté est difficile. L'art pour l'art a vécu et nous ne sommes pas peu surpris de voir notre poète assumer une relation opposée entre les deux termes de "beauté" et de "plainte". Cela nous ramène à une conception romantique, à la façon de Musset pour qui "les plus désespérés sont les chants les plus beaux". On a fait du chemin depuis cette belle formule, et on ne pensait pas qu'elle puisse être reprise de nos jours, surtout par un poète dont l'inspiration se révèle bien plus sociale que personnelle. D'une certaine manière Jean-Luc Despax revendique le beau sans la plainte, mais à mille lieues d'un Gauthier d'Émaux et Camées. Exercice difficile que notre triade a mise en place pour aboutir parfois à l'art pour l'art façon Mallarmé que l'auteur fustige avec raison. Mais alors, que nous reste-t-il en terme d'art poétique?

Un chant : "Je ne connais pas le pardon des squales/ La douceur de la roche/ La compassion des algues/ Et nos baisers mouillés/ Au-dessus de bateaux coulés »[33]. Notre poète serait effectivement dans cette catégorie de poète plaintif, comme nous le sommes tous à des degrés divers ; il chante ses malheurs avec des images assez fortes et prenantes; nous serons aussi sensibles aux rondeurs de sa poésie, qui adoucit les roches et les requins. Ce qui importe dans notre poésie moderne, en effet, délaissant la publication des sentiments, serait à voir du côté de l'image surréaliste. Jean-Luc Despax manie avec autant de brio le jeu de mots que la métaphore. L'on sait cependant que cette profusion même peut avoir des effets négatifs dans la compréhension du poème pour aboutir à une sorte de panoplie du parfait surréaliste qui ne vise qu'à varier, sur tous les tons, l'alliance de l'abstrait et du concret, de la personnification, à l'aide du complément du nom, principalement. Exercice finalement assez aisé, qu'on doit laisser à tout adolescent dans sa recherche de la poésie contemporaine. C'est pourquoi notre poète n'en use qu'avec parcimonie, et plus souvent pour le dénigrer que pour en faire la promotion. Son art est ailleurs.

Jean-Luc Despax nous fait remarquer qu’il n’est pas tout à fait dans ce temps ; même si la plainte est sans doute l’invariant consubstantiel à la poésie. Pour lui, il a vécu autre chose, et notamment l’influence des écrivains américains des années quarante cinquante : « La beat generation fait battre ma syntaxe »[34], dit-il. Ces écrivains ont pour nom William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouak et se distinguent principalement par une liberté de ton et de style. Notons ici le jeu de mots signifiant entre « beat » anglais et le mot « battre » français. Il faut entendre ici une scansion qui rappelle celle du cœur. Du point de vue stylistique, cette scansion se marque par les cut-ups et les ready made à la façon des surréalistes, en peinture, qu'ont repris des poètes comme Aragon, Prévert ou Eluard.

Mais, nous semble-t-il, le style de Jean-Luc Despax se caractérise autant par son lyrisme que par sa scansion. On l’a bien entendu à travers les quelques poèmes que nous avons lus, son style est fait de vers blancs, mais nombreux, et sans ponctuation qui délivrent comme autant de sources, de résurgences, un flot intarissable de mots. Il coupe les vers et tord un peu la syntaxe, mais toujours au profit du sens qui n'en éclate que plus sûrement.

La poésie de Jean-Luc Despax a des mots à dire ; Contre les anciennes traditions poétiques notamment : « Mallarmisme et rimbaldisme/ Nous mènent en bateau depuis longtemps/ La non-poésie fait des ronds dans l’eau »[35]. La modernité me semble bien en retard. Et pour ce qui est de l’auteur de l’Après midi d’un faune, il faut lire la critique de l’hermétisme de la poésie moderne tout le poème « Avant-garde pour hier »:

Depuis Wittgenstein

Ils ne disent plus qu'un"e robe est rouge

Ils disent que la robe

Ils disent que la

Ils disent que

Ils disent

Ils

Mallarmisme et rimbaldisme

Nous mènent en bateau depuis longtemps

La non-poésie fait des ronds dans l'eau

Ils ne disent pas que les gens qui chantent

Sont de petits poètes

Car ils font comme s'ils n'existaient pas

Pour n'être jamais dans le sujet ils

Sortent du cadre

Font les gaz laconiques avec la bouche

Dans le magazine à couverture glaçante

On ne les lira pas, c'est entendu

Mais ils seront présents, bien illisibles

Ils nous lisent les mots du dictionnaire

Ils miment les morses en faisant bla bla bla

France Culture adore, aussi Télérama

Ils aiment les sandwiches au thon

Pour un peu ils en seraient fiers

Donc ils gardent ce peu pour en faire des tonnes

Ils nous ennuient

Ils nous ennuient

Ils nous ennuient!

Détachant les phonèmes

Attachant les radiateurs à leur chiennerie

Ils nous ennuient!

Mais qui est ce "ils"?

C'est le je, qui est un autre:

Deux fois les droits d'auteur

Balles de ping pong dans la bouche

Une exposition sous la douche

Il essaient de donner .. euh... donner... euh... donner... euh...

La biscotte sans beurre est leur tasse de thé

Sur la godasse ils nous font trois volumes

Ils massacrent Deleuze en voulant l'imiter

Ils remuent le cut-up dans le play

En parodiant quelques yéyés

Quand même un peu rasoir leur guitare électrique.[36]

Mais bien évidemment, il faut se méfier d’« Un lyrisme à deux francs, compensable en euros »[37] 55. Le jeu de mots fait ressortir la pauvre poésie qui mise sur des sentiments bas ou peu profonds.

Jean-Luc Despax cherche autre chose : « Ces vers blancs me rongent le flanc, Europe/ Leurs hydrates de carbone m’étouffent, Europe/ C’est la vraie fraternité que je cherche/ Ni la loi ni les bon sentiments»[38]. En dehors du caractère politique, le poète nous dit ce qu’on voulait entendre, à savoir que la poésie est un instrument de rapprochement entre les hommes.

Jean-Luc Despax souhaite avant tout chanter. Quant à dire ce qu'il entend exactement par le chant, il suffit peut-être de relire certaines pages de son essai dans sur Ossip Mandelstam. Il nous informe sur une manière de chanter, un art poétique. Le sous-titre nous enseigne : « Chanter jusqu’au bout ». Le poète russe est mort dans un camp de déportation le 27 décembre 1939. Si il n'a pas pu écrire jusqu'au bout à cause de sa santé que les années de déportation ont considérablement amendée, Jean-Luc Despax insiste sur la postérité du poète qui commence rapidement après son enterrement dans une fosse commune, grâce à des poètes comme Joseph Brodsky et Paul Celan. C'est cela qu'il appelle "chanter jusqu'au bout". Parce que Mandelstam savait qu'il écrivait contre un régime, même en écrivant une "Ode à Staline". Ce qui importe alors c'est de chanter, en glissant ici ou là les mots qui font sentir le vrai chant.

Enfin, s'il intitule un de ses poèmes "Lyrisme malgré tout"; c'est parce qu'il croit au chant poétique, malgré toute sa verve politique. et pour lui le lyrisme, c'est avant tout l'expression du sentiment amoureux: "Je parlerai d'amour"[39], même si "la corde sensible servira à nous faire pendre"[40], même si finalement on entend peu ce chant, caché par la veine politique.

Ce sera sans doute l’objet d'un autre livre ou d'une autre étude que de débusquer le Despax amoureux et sensible.

Des raisons de chanter, certes, il n'en manque pas dans ces temps de répression politique, économique et culturelle. Et il nous faut des voix comme celles de Jean-Luc Despax pour nous faire entendre ce chant auquel nous aspirons mais que nous n'osons pas. Bien sûr, il ne faut pas réduire la poésie au combat politique ou social, mais si l'auteur pense que la poésie peut encore être une arme dans la société, alors nous devons l'écouter et l'encourager.

Encore faut-il que ce chant se souvienne de ses héritages: syntaxe, vocabulaire, images. Nous avons vu que Jean-Luc Despax, tout en fustigeant la modernité se veut moderne à son tour en déployant toute l'histoire de la poésie française.

Jean-Luc Despax est un poète lyrique qui a le sens de l’épique.

Plus que jamais, le chant, la poésie est un chant de révolte. Et il y a toujours des raisons de chanter. Tant que l'homme sera amoureux, tant qu'il y aura de poètes et l'amour, il y aura des raisons de chanter.



[1] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 45.

[2] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 67

[3] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 3

[4] Jean-Luc Despax, Ossip Mandelstam, chanter jusqu’au bout, Aden , 2005.

[5] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 421.

[6] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 30

[7] Jean-Luc Despax, Prof is beautiful, Aden, 2005, p. 250.

[8] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 333.

[9] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 23.

[10] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 24.

[11] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 51.

[12] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 20

[13] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 61.

[14] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 62.

[15] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 69.

[16] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 15

[17] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 36.

[18] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 38.

[19] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 38.

[20] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 43.

[21] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 51.

[22] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 53.

[23] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 56.

[24] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 56

[25] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, p. 56.

[26] Jean-Luc Despax, Des raisons de chanter, Le temps des cerises, 2007, P. 69

[27] p. 60.

[28] P. 112.

[29] P. 93.

[30] Jean-Luc Despax, Équations à une inconnue, Maison de Poésie, 1994.

[31] P. 9.

[32] P. 16.

[33] P. 21.

[34] P. 14.

[35] P. 88.

[36] P. 88.

[37] P. 55.

[38] P. 83.

[39] P. 55.

[40] P. 55.